Les armes de l'équipe d'Exocet étaient braquées sur la boutique.

- Qu'est-ce qu'on fait, chef ?

Exocet réfléchissait. Le trio qui venait de disparaître derrière la porte vitrée n'avait pas été sans évoquer les gesticulations des trois personnages du visuel de la 650. Il se sentait, par raisonnement récursif, en lieu et place du personnage à la pelle. Il ne restait plus qu'à faire des trous, et leurs outils perforateurs n'attendaient que cela. Tout se déroulait ainsi qu'il était écrit dans le Livre. Cette boulangerie était l'avant-dernière étape. Bientôt tout lui serait révélé.

Il se retourna pour jeter un coup d'il au soleil matinal. Pourquoi lui semblait-il, contre toute vraisemblance, qu'il était bien dos au ponant, comme si le soleil se levait à l'ouest ? Il ne pouvait pas le vérifier. Se fiant aux indications de Fumax, ils n'avaient pas emporté avec eux de boussoles, lesquelles ne devaient pas être nécessaires dans la zone. Mais peut-être y avait-il un piège ? Comment savoir si l'aiguille vous trahissait, si vous n'y aviez pas recours ?

La boulangerie était-elle bien à 8000 mesures devant lui ? Une vingtaine de mètres en tout. Ça ne faisait pas une unité de mesure très grande.

- On fait comme pour les énigmes, finit-il par répondre. D'abord, un premier passage : on nettoie la boulangerie. Ensuite, on cherche les reliquats dans les gravats.

- On va avoir du mal à trier et à assembler les reliquats après, plaisanta l'un des hommes en noir.

- Feu ! cria Exocet.

Les armes vomirent leur torrent de mort (Exocet aimait bien ce genre de cliché). La façade de la boulangerie éclata d'un seul coup d'une éruption de trous de tailles diverses. La vitrine et la porte vitrée explosèrent dans un bruit assourdissant. Les tirs insistaient, balayant murs et ouvertures, cherchant le moindre morceau de crépis encore accroché aux briques, le moindre éclat de verre encore agrippé aux cadres. La mitraillade sembla durer une ETERNITE.

- Cessez le feu ! ordonna finalement Exocet.

Le silence retomba. La façade de la boulangerie n'était plus qu'une plaie encore fumante, béant sur l'intérieur sombre du magasin. Ca et là, quelques fragments isolés de plâtre ou de vitre se détachaient encore et finissaient de tomber, comme les dernières touches qu'on eût apporté à un tableau représentant, par exemple, une boulangerie après le passage d'une escadrille de B52.

Rien ne bougeait plus à l'intérieur.

Exocet allait ordonner un déploiement en tirailleur pour approcher prudemment l'ex-boulangerie, quand il sentit derrière lui approcher un de ses hommes. Il se retourna. Le type avait le look interchangeable de ses associés, vêtu et lunetté de noir, mais derrière son visage impassible, une épée médiévale, ma foi d'un fort beau gabarit, lui traversait incongrûment la tête, d'une oreille à l'autre.

- On a un problème, dit l'homme.

Et, comme pour ponctuer l'information, une volée de flèches vint se ficher autour d'eux.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- Une bande nous attaque par l'autre côté de la place. Je crois que ce sont les Six Doigts de la Main Gauche.

- Effectif ? Équipement ?

- Ils sont plus que six, en fait. Et ils ont apparemment des Durandal d'assaut de type Rolland, des Excalibur long rifle modèle Arthur, et, euh... des arcs et des flèches.

- Des arcs et des flèches. Pourquoi les amateurs cherchent-ils toujours à jouer dans la cour des grands ? Tu es touché ?

- Pas dans un organe vital. De toutes façons, ce n'est le mauvais trip que si la flèche vise le coeur. J'ai juste comme un grosse fatigue : une envie de m'allonger au pied d'un sapin pour jouer de l'olifant.

- Va te reposer, alors. Mais avant de t'éloigner, n'oublie pas de refermer ta blessure.

Exocet sortit son téléphone portable, pianota rapidement sur le clavier et le porta à son oreille :

- Appel à toutes les unités : on se casse.

En quelques secondes, la place du village fut désertée.

Note de Mickey : cet épisode de "Signet Fumax" est répertorié sur le forum sous le numéro 5912.