SIGNET FUMAX


SIGNET FUMAX

(1662)

AB OVO

1662ème épisode

(Suite du 1565ème épisode. Résumé de la saison précédente : Les chercheurs de chouette ont cessé de rêver, mais la réalité qu'ils découvrent est assez moche (voir 6225ème épisode), et depuis, ils demandent régulièrement à Jarod d'écrire une suite).

Jarod courait tout nu sur la plage.
Il courait comme s'il avait le diable à ses trousses, avec ce mélange de joie sauvage et de terreur viscérale que procure le sentiment mélangé qu'on a laissé l'horreur derrière soi, mais que "derrière soi" est un concept fragile qui ne se mesure qu'en centaines de mètres et a même vilainement tendance à rétrécir.
Son corps, qu'il avait découvert avec surprise complètement glabre en se réveillant, était encore humide et gluant du liquide nourricier de la cuve d'où il s'était échappé. Il avait le sentiment d'être une épreuve photographique détrempée de lui-même, échappée de quelque bac révélateur démentiel avant que le savant fou préposé aux retouches ait eu le temps d'y dessiner des poils, des sourcils et les quelques cheveux qu'il se souvenait avoir eu dans une autre réalité. Autour de lui flottaient comme des tentacules les extrémités, encore fixées à ses multiples implants corporels, des câbles et tuyaux qui avaient assuré son alimentation dans la cuve, ainsi que l'évacuation de ses déjections.

Joyeux et sauvage, Jarod l'était. À bon droit. Il emportait dans sa course, tenu en bandoulière par des attaches qu'il avait improvisées avec une partie des câbles qui lui sortaient de partout, l'objet de la convoitise générale : la Chouette d'Or. Le rapace fabuleux, qui dansait comme une marionnette dans les liens flexibles, rebondissait parfois au sol, imprimant la marque de ses serres dans le sable. Toutes les 99 foulées, Jarod devait réassurer son arrimage, pour éviter qu'au centième il se casse le bec et y laisse ses plumes.
Mais terrorisé, Jarod l'était aussi. Il cherchait à mettre la distance la plus grande entre lui et ses poursuivants. Il avait été le premier à s'éveiller du rêve artificiel dans lequel Fumax les entretenait tous : ce rêve que tous les chercheurs partageaient dans un même lieu dont ils n'arrivaient pas à sortir, le temps d'une journée qui ne terminait jamais.

La Zone. Tout le monde avait été scotché dans la Zone. Premier arrivé, il avait été le premier à s'en échapper. Le temps de découvrir, trônant au milieu des dispositifs nourriciers, l'artefact qui concentrait la lumière-qui-éteint, il avait entendu le sifflement de dépressurisation des autres sarcophages : en débranchant la Chouette, il avait coupé tous les circuits, et les autres chercheurs maintenus en stase s'étaient réveillés progressivement. Les premiers à se libérer à leur tour l'avaient vu s'échapper avec le trésor. En quelques minutes, tous s'étaient lancés à sa poursuite.

Jarod ne savait pas trop vers quoi il courait. Ni, d'ailleurs, en quel endroit il était en train de courir. Sans doute dans la réalité dans laquelle ils avaient tous toujours vécu, mais que les mirages de la chasse au trésor leur avaient dissimulée. La plage était loin de ressembler à un prospectus d'agence de voyages. Dans ce monde qu'il découvrait, le ciel était immense et vide, couvert d'un éternel manteau nuageux. La plage était en fait une étendue indistincte, jonchée de débris, une langue de sable pollué d'hydrocarbures, serrée entre des dunes à gauche, d'où jaillissaient des herbes folles, et à droite la ligne mouvante des vagues molles et grasses. Les portées d'une ligne à haute tension suivaient la côte, et Jarod courait sous les fils qu'il entendait vrombir et crépiter.

Pauvre Alric, se disait Jarod. Ce sympathique chercheur lui avait proposé d'être le héros final de son feuilleton, de mettre un nom à la place des astérisques qui dans le dernier épisode désignaient le pseudonyme de l'inventeur encore à venir. Mais le feuilleton se terminait là. Le gagnant de la chasse, *****, c'était lui, Jarod. Étrange dénouement pour une étrange histoire, mais après tout, comme c'était lui qui était en train de l'écrire, il n'y avait pas de raison qu'il ne fût pas le premier à en profiter.

Il s'arrêta pour reprendre son souffle et regarder en arrière. Malheur! Ils étaient déjà là. La tête du peloton apparaissait au détour d'une dune, masse grouillante de coureurs, tous aussi nus, glabres et chauves que lui. Ils se retardaient mutuellement en se prenant les pieds dans les câbles et tuyauteries les uns des autres, mais Jarod était ralenti de son côté par le poids de la bestiole.

— Jarod ! Jarod ! appelaient-ils, Attends-nous ! Reviens ! Montre-nous l'Oiseau !

Et quoi encore ? se disait Jarod. Dans un monde aussi sinistre, il n'aurait sans doute pas trop à lui seul de l'or et de l'argent de la bestiole pour se faire une place un peu convenable. Maintenant que le rideau était tombé sur les paysages naguère souriants du mythe, tous les chercheurs devaient se dire la même chose.
Il reprit sa course. La ligne à haute tension, déviant d'un pouce vers la gauche, bifurquait vers l'intérieur des terres. Il décida de la suivre. Quittant la plage, il gravit une sente qui sinuait sous les fils électriques, entre les herbes folles. Le sol restait encombré de détritus. À croire que le monde entier n'était plus qu'une décharge.
La troupe derrière lui ne le lâchait pas. "Jarod! Jarod!" continuaient-ils à crier.

Le temps changeait. Une sorte de neige grasse et noire se mit à tomber. Le sol commençait à se couvrir d'une couche de suie suspecte. Jarod, essoufflé, traçant dans cette atmosphère malsaine, avait de plus en plus de mal à respirer.
Il aperçut au loin, un peu à gauche de la ligne à haute tension, un rocher noir, et continua à courir en direction de ce nouveau repère.
Il avait compté 559 foulées depuis la plage quand, s'approchant du rocher, en fait noirci par la suie qui envahissait tout, il se rendit compte qu'une partie de la masse sombre était constituée par quelque chose qui bougeait. Quelque chose de vivant : un morse !

Jarod s'arrêta, indécis, se disant que quelque chose clochait.
Les autres, profitant de son hésitation, s'approchaient, mais il sentait qu'avant d'aller plus loin, il fallait qu'il réfléchisse. Et vite. Qu'est-ce qui était en train de bugger ?

Le morse, qu'il avait approché par l'arrière, se retourna lourdement et le considéra de ses petits yeux chassieux enfoncés dans l'épaisseur de sa peau. Semblant le reconnaître, il dit à Jarod :

— Aaah ! Mon ami le charpentier, vous voilà enfin ! Avez vous emmené les huîtres avec vous ?

Il avait l'air soulagé, content même. Jarod, lui, se sentait fatigué, sale et gluant. Le liquide amniotique de la cuve commençait à sécher sur son visage, lui tirant la peau de manière désagréable. Et toute cette suie qui l'étouffait et l'empêchait de réfléchir posément. Et les autres qui criaient dans sa tête "Jarod! Jarod!"

Il jeta un coup d'oeil sur le sol et reconnut parmi les détritus des règles, des équerres, des compas et des fils de fer tordus en forme de clés de sol. Au pied du rocher, émergeait le couvercle en ciment d'une sorte de citerne cylindrique enfoncée dans le sol. "Déjà-vu", se dit-il. Il desserra alors les câbles qui retenaient la Chouette contre son flanc, et la laissa choir.
Maintenant qu'il avait dénoué tous les fils, il se rendait compte que le doute était bien le dernier supplice qui lui était infligé.

— Jarod ! Jarod ! Réveille-toi !

Palot était en train de le secouer. Jarod se redressa, se passa la main dans le visage et en ramena une bonne lampée d'un fluide visqueux qu'il reconnut être la mayonnaise de son sandwich. L'air environnant était empli de suie en suspension.

— Que se passe-t-il ?

Autour de lui, tout le monde criait, dans la plus grande confusion. Il y avait un trou dans le plafond de la grande salle. Pol Wens et Papyrus, dans l'âtre de la cheminée, tiraient par le pied Alric qui cherchait à grimper dans le conduit en hurlant : "Nan, lâchez-moi! Ce sont MES sentinelles! Je dois les passer en revue!"
En face de lui, à la table, Hiram était déjà en train de noircir du papier comme un forcené, décrivant la scène et imaginant la suite. Jarod n'avait pas besoin de se pencher pour lire. Le récit de Hiram se déployait dans l'esprit de Jarod, comme sans doute dans celui des autres participants, au fur et à mesure de son écriture (voir 1569ème épisode). Jarod découvrait avec horreur qu'ils étaient à nouveau les personnages agis de ce texte maléfique, cet espace dont ils ne pouvaient s'échapper, puisqu'ils contribuaient eux-mêmes à le générer en l'écrivant.

— Oh, non...! dit Jarod en se prenant le visage dans les mains, faisant jaillir la mayonnaise entre ses doigts. C'est reparti pour une saison...

BIENVENUE DANS LA SECONDE SAISON DE

Le feuilleton dont tout le monde peut être l'auteur et le héros (généralement en même temps, d'ailleurs : on n'est jamais mieux servi que par soi-même).

Le feuilleton métatextuel qui raconte sa propre histoire, celle d'une chasse au trésor dont le gagnant sera le premier à écrire le dernier épisode (à condition d'être aussi le dernier à écrire qu'il a été le premier).

Le feuilleton interactif qui a absolument besoin de votre contribution pour continuer à n'avoir ni queue ni tête.

Courageux internaute, choisis maintenant ta Direction (dont Fumax a fini par avouer qu'elle mène à une Destination, quelle qu'elle soit) :

Piste A : Klaus, Martini et Patrice ont découvert la Spirale A Quatre Centres, d'accord. Mais ils ne savent pas trop comment l'utiliser pour passer à l'étape suivante. Aidez-les à passer à la 420.

Piste B : Plus de nouvelles de Saroumane depuis qu'il nous a annoncé qu'il allait exhumer la Chouette à l'occasion du 7ème anniversaire de la chasse. S'est-il perdu dans la Forêt ? Accompagnez le Vieux Mage dans sa Quête.

Piste C : Tsss... voilà que Fumax se met à séduire même des mineurs. Fafnir, qui avait déjà transmis le message révolté de Mr Phelps concernant la Toison d'Or, est maintenant chargé par la CIA de mettre fin à l'entreprise pédophile de la Victoria. Assistez Fafnir dans l'exécution de cette Mission Impossible.

Piste D : En attendant que la Chouette soit découverte, Pol Wens et Exocet ont l'idée d'organiser des chasses Houkonmange, qu'ils se font mutuellement gagner. A défaut de découvrir le trésor, vous pouvez essayer de deviner le truc.

Piste E : Pour gagner une chasse au trésor, il faut une équipe. Essayez la stratégie et la méthode managériale de Hiram, un gazier qui aligne tout de même 2.969 ans d'expérience.

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