SIGNET FUMAX


SIGNET FUMAX

(la fin dont chacun rêve)

Dans la salle de la taverne "A la Chouette Écarlate", quelques chercheurs attablés devant leurs consommations commentaient les récents messages parus sur le forum. A défaut d'un équipement informatique suffisant dans le village, une équipe de volontaires avaient en effet planté des panneaux d'affichage au milieu de la place, qui permettaient à qui le souhaitait de punaiser des messages de toutes sortes : propositions de collaboration dans la chasse, invitations à déjeuner, professions de foi, anathèmes, et beaucoup de recherches de places dans des véhicules pour quitter le village.

- Tu as vu le message de *****, aujourd'hui ? Il prétend que la Chouette sera trouvée ce soir. Il nous gratine de ses salutations et nous promet qu'il pensera à nous avec affection quand il déterrera l'oiseau.

- Mmmppfff... Ouais, je sais. Un de plus. Il n'est pas le premier. Et je n'étais pas le premier non plus à coller un message en réponse pour lui souhaiter bonne chance. Personne n'y croit, mais ça ne coûte rien de se soutenir mutuellement.

- De toutes façons, dans ce bled où le jour n'en finit pas, il ne prend pas de risque à annoncer qu'il trouvera la Chouette ce soir. C'est pas demain la veille, si je puis m'exprimer ainsi.

Les conversations s'interrompirent brusquement. L'intérieur de la taverne était devenu subitement plus sombre, comme si le temps dehors s'était couvert. Les personnes présentes perçurent une rumeur sur la place, qui allait s'amplifiant. Tout le monde se leva et se précipita à l'extérieur.

Sur la place, les groupes de chercheurs regardaient le ciel, bouches bées. Celui-ci, comme par un effet étrange d'optique, semblait se froisser, emportant quelques nuages et des portions d'horizon dans des pliures improbables de l'espace. Les chercheurs regardèrent autour d'eux : déjà certains contours des bâtiments à l'entour semblaient se déformer, comme aspirés par un vortex en formation.

- Qu'est-ce c'est que ce merdier ? émit quelqu'un, résumant ainsi l'interrogation générale.

Soudain, la portion chiffonnée du ciel se déchira, comme le carton d'un décor de théâtre, laissant apparaître un arrière-fond informe et gris. La grisaille se répandit par la brèche comme le négatif d'un rayon de lumière, inondant le village. Les couleurs disparurent.

- La Lumière-qui-éteint! s'écrièrent plusieurs personnes.

Quelque part, dans les tréfonds de l'au-delà du village, Fumax, qui était allongé en stase artificielle, connecté à la Matrice, ouvrit subitement les yeux. Andros courait d'un écran à un autre, tentant de rétablir l'homéostasie du système, lequel manifestait cependant son inéluctable envie de prendre des vacances bien méritées.

- Cette fois, ça y est, dit simplement Fumax, qui avait l'air de ne pas y croire lui-même, après tant d'années. Quelqu'un a creusé suffisamment profond dans son rêve pour en percer le fond.

Dans le village en pleine décomposition, les événements se précipitaient comme dans un film noir et blanc. Les personnages des chercheurs se dissolvaient à leur tour. Chacun vécut rapidement l'impression d'être retourné comme une chaussette et d'être aspiré à l'intérieur de soi-même comme par une chasse d'eau, dans un gargouillis infâme.

Les chercheurs se réveillaient les uns après les autres, nus et rasés, baignant dans un liquide nourricier visqueux, emprisonnés dans ce qui leur semblait un cercueil vitré au travers duquel ils pouvaient découvrir un ciel vide et noir dans lequel couraient des nuages immenses, parfois faiblement illuminés par des éclairs silencieux.

Les premiers qui ouvrirent leur sarcophage, dans un sifflement de décompression, émergèrent de leur cocon, l'air consterné, encore enlacés de câbles et tubulures qui leur sortaient de tous les orifices. Ils découvraient autour d'eux, à perte de vue, des alignements de cuves semblables à la leur. Ça et là, entre les alignements, de gigantesques tarentules mécaniques s'affaissaient lentement, comme si elles finissaient de mourir au moment où eux-mêmes semblaient renaître.

Ils eurent le temps de voir au loin disparaître *****, qui courait en chantant comme un fou joyeux, tout nu, une multitude de câbles rompus flottant autour de lui comme des banderilles, emportant la Chouette sous son bras.

(Bon. Ça, c'est une issue possible. Mais ce serait là un jeu bien trop facile, non ? Il y a tout de même un dénouement plus vraisemblable. C'est dans l'épisode qui suit.)

(FIN ?)

Note de Mickey : cet épisode de "Signet Fumax" est répertorié sur le forum sous le numéro 6225.

Cliquez ici pour lire l'autre fin de la première saison de ce feuilleton

Cliquez ici pour lire la seconde saison de ce feuilleton
Haut de page